A contre sens

COUPABLE MAIS PAS RESPONSABLE

Un procès bien singulier s’est tenu récemment. La presse ne l’a pas évoqué car l’accusée, en l’occurrence une porte, avait demandé le huis clos. Elle s’était quelque peu emballée sous l’effet d’une provocation et, pour tout dire, elle était sortie de ses gonds. Dans un mouvementent de colère, elle a heurté et rayé le parquet qui a fait constater les dommages par voie d’huissier et par contrecoup, la porte a abîmé la plinthe qui aussitôt, a déposé plainte.

Après le rappel des faits, le juge a donné la parole à l’avocat des plaignants.

« Cette porte a complètement « dégoné » ; non seulement, il n’est plus possible d’entrer par la grande porte mais elle s’est mise en porte-à-faux, ce qui représente un grand danger pour les passants et spécialement pour tous ceux qui pensent avoir trouvé une porte de sortie honorable. Une porte qui n’est pas capable de s’ouvrir largement, qui se referme au moindre coup de vent, qui s’endort à peine entrebâillée, qui est incapable de faire un va-et-vient et qui perd son sang-froid... eh bien, je demande au tribunal avec gravité et fermeté, qu’une telle porte, qui a franchi impunément le pas du dérèglement, que cette porte soit condamnée et fermée à double tours.»

La parole est à la défense.

L’avocat, commis à l’office d’à-côté, s’exprime : « Pourquoi cette porte s’est-elle cabrée ? Durant des années, jours et nuits, elle était disponible pour s’ouvrir à tous et à chacun, sans discrimination de sexe, de race, de religion, de hiérarchie sociale. Elle a accompli cette fonction sans broncher, sans grincer et, de plus, sans attendre le moindre remerciement. Pourtant, elle en a reçu des coups de pieds et des frappes violentes qui l’ont marquée ! En effet, on ne compte plus toutes les personnes mises à la porte qui sont sorties en claquant la porte. Frappée d’un coté, brutalisée de l’autre, comment une porte, une simple porte, qui n’est pas blindée, peut-elle tenir debout ? Je vous le demande. Maltraitée, humiliée, ébranlée, elle s’est laissé aller à un mouvement d’humeur ; et alors ? Qui n’aurait réagi de la même manière à sa place ? En disant cela, j’ai bien conscience d’enfoncer une porte ouverte.

Opprimée, elle s’est révoltée, quoi de plus naturel ? Si vous la sanctionnez, ce jugement fera tâche d’huile sur les autres portes qui affichent déjà sur leur ventaux leur esprit de corps. Se portant solidaires, elles sont capables de se mettre en grève et par conséquent de bloquer toutes les issues principales et de secours. Ma cliente doit donc bénéficier de larges circonstances atténuantes. »

Le jugement a été rendu : la porte est condamnée.

Battante, la porte s’est adressée au juge d’application des pênes mais celui-ci est resté fermé ne manifestant aucun esprit d’ouverture, rejetant la requête de levée d’écrou pour vice de forme.

Portes innocentes, symboles de tous les pauvres hères accablés, c’est sur vous que l’on crie sans vergogne : « Haro sur le baudet.» Les potentats surchargent vos chambranles de lourds contentieux, ils vous asservissent afin de trouver des faux-fuyants et des faux-semblants pour vous condamner, alors qu’eux, responsables et coupables, continuent à contempler midi à leur porte.

Gérard

 

Après la Pentecôte,

la liturgie nous invite à méditer sur le « temps ordinaire ».

Ce temps qui n’a rien d’extraordinaire, nous plonge dans notre quotidien banal et parfois blafard.  Et pourtant, « La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles

Est une œuvre de choix qui veut beaucoup d'amour »

Paul Verlaine

Pas besoin de chausser les lunettes du pessimisme, les informations qui nous arrivent sont parfois désespérantes. Mais le chrétien sait que le mal, la mort n’auront pas le dernier mot. La flamme de l’espérance demande, telle la flamme olympique, a être portée triomphalement.

Gérard

L’espérance

J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie

*

Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits

*

Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries

*

Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir

*

J’enracine l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.

Andrée Chedid

 

LA TRANSMISSION DIVINE

EST LOIN D’ÊTRE UNE DIVINE TRANSMISSION.

Qu’est-ce que transmettre ? « C’est laisser une part de soi, de ce que l’on a accompli, à sa descendance pour la protéger et pour prolonger le partage, après la mort, de ce qui a fait notre vie » Alors se posent trois questions : que transmettre ? A qui ? Et pourquoi ? Les réponses sont variées.

Osons regarder plus haut : qu’en est-il de Dieu ? Certes, il est difficile de se mettre à sa place mais on peut légitimement s’interroger sur ses motivations quand il a transmis la création à l’être humain. On se souvient qu’il a travaillé d’arrache-pied durant six jours puis, il s’est brusquement arrêté le 7ème jour alors que manifestement la tâche n’était pas terminée : dans le jardin d'Eden il n’y avait pas le chauffage central, pas d’ascenseurs, peut-être même pas l’eau courante, il manquait des bâtiments publics, des voies de communication, des pistes d’atterrissage, etc, carences manifestes d’autant plus que l’être humain nouvellement crée demandait des soins particuliers dans la profondeur de son âme. Dieu s’est retiré et il a désigné l’homme, pourtant encore fragile comme son légataire universel.

A l’époque, une question taraudait le chœur des anges : pourquoi Dieu s’était-il brusquement mis au vert ?

- Pour les uns, la cause était simple : une grande fatigue, la création l’avait épuisé.

Non ! Répliquèrent les archanges, Dieu est résistant, il peut d’ailleurs tenir l’univers dans le creux de sa main.

Assurément, rétorquèrent les premiers mais Dieu en créant l’univers s’est totalement impliqué dans son ouvrage, il a tellement mis du sien, que la création contient une partie de lui-même. Dieu a ainsi beaucoup maigri et, épuisé, il a dû se reposer en plein ouvrage.

- D’autres plus cyniques (plus lucides?) pensaient que Dieu avait fait des erreurs de calcul en créant la terre : il se serait planté et aurait raté la modélisation de l’être humain. Celui-ci, théoriquement généreux, bienveillant et bon, est porteur d’un vice caché qui le pousse à détruire son semblable et à s’autodétruire. Ne voulant ni revenir en arrière ni admettre son inexpérience, Dieu avait compté sur le déluge pour tout effacer ; malheureusement, à cause de Noé cette stratégie avait échoué. Découragé, il aurait alors tout laissé tomber : que l’homme se débrouille tout seul, il disparaîtra bien vite : guerre, pollution, bricolage génétique... bon débarras. Pendant ce temps, Dieu refait ses calculs pour pouvoir cette fois-ci, entreprendre la création d’un nouvel univers impeccable.

- Un dernier groupe d’anges qui se vantaient de connaître Dieu par cœur, ne pouvait admettre cette interprétation. Il existe, affirmaient-ils, un principe absolu : Dieu, ne peut échouer, tout ce qu’il crée de ses mains est juste, beau et excellent. Si Dieu se repose, c’est sur l’homme qu’il se repose ! Dieu lui a transmis volontairement le témoin. L’homme est promu créateur, à lui de poursuivre l’œuvre divine.

Bref, la discussion s’éternisait mais au ciel, personne n’est pressé. Tout à coup, un ange, nommé Gabriel, arriva à tire-d’aile et leur annonça : « Pendant que Dieu se repose, j’ai récupéré l’acte de donation de la terre à l’homme. Effectivement, il est bien précisé que Dieu se retire complètement de la terre : «Plus de miracle, les prières sont inutiles, je refuse de faire la pluie et le beau temps » c’est écrit en toutes lettres, et plus loin, on découvre « ils (les êtres humains) connaîtront et partageront ma vie divine ».

Aussitôt, des anges récriminèrent : « Et nous ?  Nous allons être supplantés par cette créature qui au départ n’était que poussière. Dieu s’est bien moqué de nous. » Ils étaient tout à la fois interrogatifs, choqués, révoltés.

Et c’est à ce moment que se produit la grande révolution : des anges refusèrent de suivre la lettre et l’esprit de la donation de Dieu. Ils considéraient cet envoi futur de l’homme au 7ème ciel comme une défiance vis à vis d’eux, un abaissement, presque un ravalement de l’ange au niveau de la bête. « Dieu ne se souvient plus de nous, il souffre d’Alzheimer, il faut le remplacer »  s’écria l’orgueilleux Lucifer. « Va-t-en au diable vauvert » s’entendit-il répliquer. Le ton monta et ils se battirent comme de beaux diables, de vrais démons. L’archange Michel pris la tête d’une milice et précipita ceux qui s’étaient révoltés dans les abîmes terrestres et les abysses marins. Lucifer vaincu s’écria plein de rage : «Nous nous vengerons sur les humains, après s’être prosternés devant nous, ils viendront nous rejoindre en enfer, tout feu tout flamme. » Victoire pour Michel et sa troupe, certes, mais victoire à la... Pyrrhus car les hommes désormais appelés à vivre la vie divine se trouvent contrariés, tourmentés et bâillonnés par ces beaux diables.

En conclusion, si la transmission de la terre aux hommes par Dieu reste parfaitement légale, sa légitimité est entachée par la révolte des anges qu’elle a entraînée. Les êtres humains promis à une destinée supraterrestre doivent désormais passer comme héritiers, sous les fourches caudines de l’imposition de la tentation et parfois, le payer très cher.

Gérard

 

 

Pour Pâques, ce poème de Patrice de la Tour du Pin.

L’Hymne de Patrice de La Tour du Pin

« Tous les chemins de Dieu vivant mènent à Pâques » :

« Tous les chemins de Dieu vivant
Mènent à Pâques,
Tous ceux de l’homme à son impasse :
Ne manquez pas au croisement
L’auberge avec sa table basse ;
Car le Seigneur vous y attend.

N’attendez pas que votre chair
Soit déjà morte,
N’hésitez pas, ouvrez la porte,
Demandez Dieu, c’est Lui qui sert,
Demandez tout, Il vous l’apporte :
Il est le Vivre et le Couvert.

Mangez ici à votre faim,
Buvez de même
À votre soif, la coupe est pleine ;
Ne courez pas sur des chemins
Allant à Dieu sans que Dieu vienne :
Soyez des hommes de demain.

Prenez son Corps dès maintenant,
Il vous convie
À devenir Eucharistie ;
Et vous verrez que Dieu vous prend,
Qu’Il vous héberge dans Sa vie
Et vous fait hommes de Son sang. »


Patrice de La Tour du Pin (1911-1975)

 

JUSQU’AU BOUT DE LA MISSION, quoi qu’il en coûte !

Nous allons bientôt entrer dans la « semaine sainte ». Nous suivrons Jésus dans ses derniers jours terrestres. Comme tant d’autres, après tant d’autres, il fut condamné à mort parce que qu’il avait remis en cause l’ordre établi. Les autorités du temple avec la complicité des romains l’ont fait mourir sur une croix.

Aujourd’hui, combien de femmes et d’hommes parce qu’ils ont osé se lever face à des dictateurs, subissent le même sort. Comment, en particulier, ne pas penser à Alexei Navalny un homme de bien foudroyé par le pouvoir. Une comparaison avec le Christ vient à l’esprit. Il est rentré de son plein gré de Berlin à Moscou pour partager le sort de tous, rester solidaire de son peuple muselé, vivre la fraternité avec tous les risques qui lui sont associés.

Depuis plusieurs années ces figures christiques font un retour dans le paysage politique et social, à cause de l’arrogance des régimes autoritaires, meurtriers des innocents et des faibles, en Chine, en Turquie, en Birmanie, en Russie, aux Etats-Unis.

Gérard

J’ai choisi le poème de Francis Jammes La prière qui illustre les mystères douloureux.

 

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère

Tandis que des enfants s'amusent au parterre

Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment

Son aile tout à coup s'ensanglante et descend

Par la soif et la faim et le délire ardent

Je vous salue, Marie.

 

Par les gosses battus, par l'ivrogne qui rentre

Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre

Et par l'humiliation de l'innocent châtié

Par la vierge vendue qu'on a déshabillée

Par le fils dont la mère a été insultée

Je vous salue, Marie.

 

Par le mendiant qui n’eut jamais d’autres couronnes

Que le vol des frelons amis des vergers jaunes

Ni d’autre sceptre qu’un bâton contre les chiens.

Par le poète dont saigne le front qui est ceint

Des ronces des désirs que jamais il n'atteint :

Je vous salue, Marie"

 

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids

S'écrie: Mon Dieu ! par le malheureux dont les bras

Ne purent s'appuyer sur une amour humaine

Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène

Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne

Je vous salue, Marie.

 

Par les quatre horizons qui crucifient le monde

Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe

Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains

Par le malade que l'on opère et qui geint

Et par le juste mis au rang des assassins

Je vous salue, Marie.

 

Francis Jammes

 

L’Avenir sombre des trous sur les routes

Le gouvernement a décidé de réduire les dépenses budgétaires de 10 milliards d’euros. Parmi celles touchées, la formation à l’apprentissage. Quelles que soient nos opinions sur ces mesures, elles auront un impact sur la circulation routière. Souvent, quand nous sommes en voiture, des panneaux nous préviennent : « Trous en formation, ralentir. ». Donc, on pourrait aisément conclure (trop vite) que moins de formation pour les trous = moins de trous sur nos routes. En effet, chacun sait que la formation est indispensable pour faire des trous, car on ne fait pas son trou n’importe comment, à la va-vite, à va-comme-je-te-pousse, à la fortune du pot, à la bonne franquette... non, le trou, le vrai, issu du nid de poule, le bon vieux trou exige un savoir faire qui n’est pas inné.

La formation donnée pour faire des trous était excellente, décentralisée, bien cadrée (pas de trous dans l’emploi du temps). Elle était pédagogique, très progressive, les « apprenants-trous » commençaient dans la douceur : on leur faisait d’abord fabriquer des trous d’air, puis on les mettait dans le bain avec les trous dans l’eau, la deuxième phase consistait à faire des trous dans la caisse et enfin mis sur le pavé avec la recherche de fissure pour faire son trou.

Chacun repartait diplômé choisissant un lieu pour exercer son nouveau savoir-faire : la rase campagne pour ceux habitant des trous perdus, la presqu’île du Cotentin particulièrement arrosée attirant de nombreux lauréats venant faire un trou normand, d’autres choisissant la grande ville afin d’avoir pignon sur rue.

Mais alors, en y regardant de plus près, pourra-t-on rouler plus tranquillement sur les routes ? Cette restriction des crédits de formation, est-ce une bonne nouvelle ? Erreur ! Par manque de budget, la formation de trous se fera maintenant sur le tas et nous allons rencontrer des tas de trous, qui plus est, des trous mal formés, voire déformés.

Gérard

 

 

 

Affiche rouge

Manouchian, au Panthéon le 21 février

Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé vouloir honorer Missak Manouchian, résistant d’origine arménienne fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien et déclaré mort pour la France. Missak Manouchian sera inhumé au Panthéon aux côtés de sa femme Mélinée lors d’un hommage solennel à l'occasion des 80 ans de son exécution.

Les autorités d’occupation allemande organisent en février 1944 un procès très médiatisé, notamment par « l’Affiche rouge », affiche xénophobe et antisémite qui vise à décrédibiliser l’action de ces résistants étrangers. Mais le placardage de plusieurs milliers d’exemplaires de cette affiche dans Paris occupé et la distribution de milliers de tracts qui les qualifient d’« armée du crime » a produit l'effet contraire. Loin de provoquer peurs et condamnations, elle éveille plutôt des manifestations de sympathie dans une partie de l’opinion publique.

L’ennemi de l’intérieur

« L’affiche rouge » entend d’abord présenter les membres du réseau Manouchian comme de dangereux terroristes. La couleur rouge, dominante, évoque leur appartenance politique mais aussi le sang qu’ils ont versé. De même, la présentation des photos en médaillon au-dessus de leur « palmarès » évoque une iconographie criminelle. Qualifié de « bande », le réseau Manouchian se voit ainsi refuser toute reconnaissance politique.

L’image insiste aussi sur le fait que cette « armée du crime » est constituée d’étrangers. Hirsutes, agressifs et patibulaires, ces hommes sont en plus des « juifs », des « rouges », des étrangers. Alors que les actes de résistance se multiplient, les autorités allemandes entendent ainsi persuader les citoyens du danger que ces hommes font courir au pays. Loin de libérer la France (pour la rendre aux Français), ils menacent au contraire de la livrer au chaos et aux puissances néfastes venues de l’extérieur.

En leur honneur, Aragon a écrit un poème « Strophes pour se souvenir », poème chanté par Léo Férré

L’affiche rouge par Louis Aragon

Poème par Louis Aragon

Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

Louis Aragon

Gérard

RÉVOLTE PAYSANNE

Cette année-là, l’été fut pourri et au moment propice, les agriculteurs ne purent ni rentrer leurs foins ni moissonner. La disette s’installa et la famine menaçait. Les victimes de ce temps maudit accusèrent le Ciel. Employant des moyens spirituels, ils firent un tel foin d’enfer que Dieu les entendit crier : « On veut du soleil, du soleil, du soleil !» Il envoya St Pierre flanqué de son fidèle acolyte Miquelon pour faire taire cette jacquerie : « Où vous croyez-vous ? Ne savez-vous pas que Dieu ne fait pas la pluie et le beau temps ? Peut-être avez-vous semé les mauvaises graines que vous portez dans le cœur, vous récoltez donc la tempête ! Vous vouliez être dans le vent ? Ne vous plaignez pas ! ». Les cultivateurs crièrent de plus belle.

Dieu était très ennuyé car il savait que les paysans disposent de moyens imposants pouvant mettre à feu et à sang même le paradis. D’autre part, il ne voulait pas intervenir : autrefois il avait apaisé une tempête sur le lac de Tibériade, cela avait fait beaucoup trop de vagues….

Il réunit son conseil formé de ses apôtres, quelques anges, des scientifiques et puis des spécialistes de la météo. Certains suggérèrent d’indemniser en quelque sorte les victimes de cette catastrophe naturelle en leur ouvrant un crédit d’indulgences qui abrégeraient ainsi leur temps de purgatoire. Ils se virent opposer cette réplique sans appel : « Les indulgences ? Vous croyez encore au Père Noël ». Matthieu, qui avait été percepteur, soutint que le temps pluvieux favorisait les pâturages donc la quantité de lait et pour compenser ce déséquilibre entre céréaliers et éleveurs, peut-être faudrait-il agir directement auprès de Bruxelles afin de modifier le régime des quotas, réorienter les taux directeurs, proposer un moratoire sur les intérêts des prêts bonifiés …Dieu intervint sèchement : « Arrête ce charabia de technocrate ! C’est pire que du latin ! »

Un expert en climatologie fut dépêché pour étudier sérieusement la situation. Il revint perplexe et déclara : « La Chine s’est éveillée et le vent de l’histoire a tourné. Ainsi le vent qui venait de l’Ouest souffle maintenant de l’Est, donc tout est bouleversé. Les anticyclones déclenchent des cyclones, la pression atmosphérique est en pleine dépression, les isobares se barrent, l’atmosphère devient oppressante, les typhons sont de véritables siphons, les tsunamis remuent ciel et terre, les girouettes se savent plus où donner de la tête, les trombes d’eau s’abattent sur les nuages qui essayaient de passer entre les gouttes, ils allument des éclairs pour se faufiler dans la nuit. »

Le vent de l’histoire ? dit Dieu, Je ne le connais pas celui-là

- C’est normal, vous êtes intervenu au début du processus quand il n’y avait pas encore d’histoire.

- Les hommes n’ont qu’à se débrouiller, je les ai créés à mon image, donc intelligents.

- Vraiment ? dit Pascal

- Parfaitement, Pascal, je ne suis pas gaga,

- Je n’ai jamais dit ça

- Oui, mais j’ai lu tes pensées.

L’ange spécialiste des sondages et conseiller en communication ajouta : « Il faut faire quelque chose, les mécontents sont capables d’insister lourdement, de mobiliser tout le peuple qui va se mettre à genoux et prier : neuvaines, processions, rogations et nous serons bien obligés d’obtempérer. »

- Rogations ! Je leur ai déjà dit que je préférais l’irrigation aux rogations

- En fait d’eau, ils sont servis. On commence ici et là à entendre ce slogan : « La moisson est peu abondante et les ouvriers à nourrir sont nombreux » s’ils commencent à déformer vos propos, le pire est à venir, on entendra bientôt : «Dieu a sombré dans la tempête !»

Diable, diable, dit Dieu en se grattant la tête, comment allons-nous faire ? Exprimez-vous !

- Ne pourrait-on pas envoyer l’Esprit pour qu’il souffle sur les nuages et les disperse aux quatre vents.

- Je ne suis pas sûr que l’Esprit soit très chaud et depuis quelque temps, il s’essouffle et puis, si ça ne marche pas, j’aurais l’air de quoi ?

- Douteriez-vous de vous-même ?

- Thomas ! Tu veux ma main sur ta figure ? Tu sais que ça peut laisser des marques !

Certains crurent bon d’ajouter : « Puisqu’ils ne peuvent pas faire les foins, il faudrait leur procurer un regain d’activité » d’autres persiflèrent « trèfles de plaisanterie, y’a plus rien avoine » et tous s’esclaffèrent.

Soudain, l’ange qui était d’astreinte surgit à tire-d’aile : « Alerte ! Ça sent l’encens partout, ce n’est pas très orthodoxe »

- « Ange Gabriel, va donc voir ce qui se passe

- Toujours moi pour les corvées…

- On ne te demande pas de faire une annonciation, tout juste une simple visitation.

- Le beau temps est revenu, les agriculteurs te remercient, chantent tes louanges et brûlent des montagnes d’encens en signe de gratitude.

- Je n’y suis pour rien

- Je me suis bien gardé de le leur dire.

- Pourquoi le temps clément est-il revenu ?

- Je ne saurais scientifiquement l’expliquer mais ce sont les Africains qui ont commencé ; quand ils ont vu la détresse des Européens, ils se sont dits : « Nos greniers à mil sont pleins, nous ne pouvons laisser ces pauvres blancs mourir de faim » Ils ont partagé leurs surplus et ont accueilli tous ceux qui voulaient venir chez eux à cause de la douceur du climat. En contrepartie, les États ont annulé toutes les dettes. Alors, chose incompréhensible, un vent de fraternité s’est levé et a balayé tous les mauvais nuages, désormais la planète est une terre où coulent le lait et le miel en abondance. »

Ouf, dit Dieu, nous l’avons échappé belle !

Gérard Cordier

EN HIVER

Charles d’Orléans 1394 – 1465 est connu plus pour son œuvre poétique que pour ses exploits sur le champ de bataille. À la débâcle d’Azincourt, le 25 octobre 1415, Charles d’Orléans est fait prisonnier et emmené en Angleterre. Sa libération est conditionnée par le paiement d’une rançon. Il reste 25 ans en Angleterre, années pendant lesquelles il développe son œuvre.

Le Smog anglais lui a sans doute inspiré ce poème bien connu et…. d’actualité

Gérard

15 / 01 /24

Hiver vous n'êtes qu'un vilain  

Hiver vous n'êtes qu'un vilain
Eté est plaisant et gentil,
En témoignent Mai et Avril
Qui l'accompagnent soir et matin.

Eté revêt champs, bois et fleurs
De sa livrée de verdure
Et de maintes autres couleurs
Par l'ordonnance de Nature.

Mais vous, Hiver, trop êtes plein
De neige, vent, pluie et grésil;
On vous doit bannir en exil.
Sans point flatter, je parle plain
Hiver vous n'êtes qu'un vilain

Charles d’Orléans

 

AURORE BALBUTIANTE

Les plus grandes sommités médicales, pour une fois unanimes, l’avaient pronostiqué : malmenée par tant de fièvres, presque asphyxiée par les tourments, chavirée par l’inconscience des humains, l’année 2023 ne devait pas aller jusqu’à son terme. Mais malgré les dommages qui lui furent infligés, elle a tenu bon ; au 31 décembre, elle a rendu son dernier soupir, juste à minuit. Au bout de son rouleau, exsangue, totalement épuisée, l’année présentait de profondes blessures : témoin de trop d’horreurs et de trop de massacres, elle en portait les stigmates, les tremblements de terre l’avaient minée, la désagrégation de la société sapé son moral, alors, son cœur, tantôt battant la chamade, tantôt à bout de souffle, a finalement lâché. Faut-il ajouter qu’il lui fut difficile de décompresser dans un environnement étouffant : le mercure franchissant plus d’une fois la ligne rouge, celle qui tarit les sources, propage des incendies et fait monter le niveau des mers.

Et prodige, au moment où l’on disait adieu à 2023, un cri de nouveau-né déchira les ténèbres, une nouvelle année voyait le jour. Elle est déjà bien musclée pour son âge, elle tient une forme olympique et les fées se penchant sur son berceau lui prédisent une durée de vie plus longue que la normale, celle qu’atteignent seulement 25 % des bambins de son espèce.

Tous les peuples la saluent, elle sourit à tous. Chacun déclare vouloir prendre soin d’elle ; est-ce vraiment sincère ? Hélas, les guerres continuent, on exploite à qui mieux mieux les énergies fossiles, tout le monde aime les étrangers pour autant qu’ils restent chez eux. Pourtant, parce qu’elle n’est pas encore trop usée par les exactions, les pillages et les déprédations que ne manqueront pas de lui faire subir les êtres humains, 2024 s’ouvre rayonnante, offre des alcôves à remplir, des lignes à prolonger, des perspectives à élargir.

Butinons donc le pollen de la bonté, de la beauté, de l’harmonie et remplissons ses alvéoles vierges, du couvain de l’espérance pour que nous en fassions notre miel.

Gérard 

 

QUE NOËL S’ENRACINE DANS NOS CŒURS

 

La chanson de Jacques Brel : « L’homme dans la cité » est d’une brûlante actualité

Gérard

Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Que l´amour soit son royaume
Et l´espoir son invité
Et qu´il soit pareil aux arbres
Que mon père avait plantés
Fiers et nobles comme soir d´été
Et que les rires d´enfants
Qui lui tintent dans la tête
L´éclaboussent de reflets de fête

 

Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Que son regard soit un psaume
Fait de soleils éclatés
Qu´il ne s´agenouille pas
Devant tout l´or d´un seigneur
Mais parfois pour cueillir une fleur
Et qu´il chasse de la main
A jamais et pour toujours
Les solutions qui seraient sans amour

 

Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Et qui ne soit pas un baume
Mais une force, une clarté
Et que sa colère soit juste
Jeune et belle comme l´orage
Qu´il ne soit jamais ni vieux ni sage
Et qu´il rechasse du temple
L´écrivain sans opinion
Marchand de riens
Marchand d´émotions

Pourvu que nous vienne un homme

Aux portes de la cité

Avant que les autres hommes

Qui vivent dans la cité

Humiliés, l´espoir meurtri

Et lourds de leur colère froide

Ne dressent au creux des nuits

De nouvelles barricades

 

LE DIABLE EN PERDITION

« Profitez des soldes j’ai de l’ivraie en stock, la livraison est gratuite et le règlement n’interviendra qu’après votre mort. » Habituellement, les bonnes âmes se ruaient sur ce produit. Mais aujourd’hui, sur le marché couvert, personne ne s’approchait de cet étal. Voyant cette désaffection, le moral du diable en pris un coup ; pourtant, c’était un beau diable, un tentateur en pleine forme, adulé et performant. Maintenant, ce diablotin présente une face de carême : abattu, anxieux, donnant l’impression d’avoir perdu la foi dans ses œuvres. Bien sûr, il avait semé la haine à profusion qui, de proche en proche, avait enflammé des brasiers de révoltes, lesquels généraient des guerres de plus en plus atroces avec force massacres d’innocents. Il excellait pour déclencher des brouilles entre couples, entre voisins, entre membres d’associations, entre paroissiens. Il suivait avec satisfaction la course aux armements, véritable pain béni, la pollution de la planète le comblait de joie car les humains commençaient à paniquer, à migrer donc à d’autodétruire. Oui, tout ce travail semblait porter des fruits mais …

Pourquoi un tel désastre ? Le diable en perdait son latin. Normalement, les humains sont malléables, sans foi ni loi, avides de richesse, de puissance et de gloire, toujours prêts à exploiter leurs semblables.

L’enquête qu’il fit, lui révéla une vérité qu’il soupçonnait déjà et qu’il ne voulait pas admettre. Le coupable, c’était cet homme. Pourtant, ils s’y étaient mis à trois : lui, Satan en personne, accompagné de Lucifer et de Belzébuth, ils avaient promis à Jésus monts et merveilles, prêts à tout pour qu’il s’agenouille devant eux, rien n’y fit. Ne pouvant l’atteindre directement, ils s’étaient servis de Caïphe et de Pilate pour mettre un terme à ses élucubrations : « Pardonnez les offenses. Aimez vos ennemis » où allait-il donc chercher tout cela ? Il pensait avoir définitivement réglé le problème, définitivement enterré ce fauteur de troubles, définitivement fermé l’avenir. Mais, la pierre a été roulée… (vous connaissez la suite).

Que diable, c’était-il donc passé ? Les hommes et surtout ces maudites femmes avaient pris la vie au sérieux. Ces braves gens s’était mis à regarder les étoiles la nuit, spectacle qui les avaient amenés sur le chemin de la vertu. Regarder le ciel est une formidable leçon d’humilité, quand l’être humain prend conscience de sa petitesse, alors que Satan lui souffle qu’il est comme un Dieu. Cette beauté du ciel étoilé les poussait à prendre soin de leur planète, ils avaient regardé les images envoyées par des cosmonautes, cette terre si belle, baignée de lumière bleue dans l’océan de l’univers, méritait protection. Et, aujourd’hui, des femmes et des hommes se sont levés pour sauver l’humanité. Des gens de rien (pas même ceux qui fréquentent les églises) avaient pris au sérieux l’avenir de l’humanité, à l’instar des habitants de Ninive, ils avaient opéré une conversion.

Que reste-il au diable si les humains commencent à oser se regarder dans la glace, à s’imaginer capables de surmonter les obstacles épineux qui pavent le chemin vers la perfection, à dédaigner les richesses plutôt que de les amasser, à se donner la main au lieu de regarder leur propre nombril, à s’épauler, à se soutenir mutuellement ? Que peut faire un diable, je vous le demande, si les humains commencent à s’aimer ?

Bientôt Noël. Le diable détestait cette période car ces « misérables » allaient célébrer la fête dans le recueillement et partager le repas et leur temps avec les va-nu-pieds, les sans-le-sou et les crève-la-faim et ainsi connaître cette joie profonde, que lui, recherchait en vain depuis toujours.

Ah, pensait-il, si seulement cet enfant n’était jamais né !

Gérard Cordier

AUTOMNE

Cette saison bat son plein. L’automne, chantée par les poètes est propice à la méditation : bilan de sa vie à l’heure des récoltes, hantise devant l’hiver symbole de mort, dépouillement pour accueillir le futur printemps.

Gérard

Automne malade:

Automne malade et adoré

Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies

Quand il aura neigé

Dans les vergers

 

Pauvre automne

Meurs en blancheur et en richesse

De neige et de fruits mûrs

Au fond du ciel

Des éperviers planent

Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines

Qui n'ont jamais aimé

 

Aux lisières lointaines

Les cerfs ont bramé

 

Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs

Les fruits tombant sans qu'on les cueille

Le vent et la forêt qui pleurent

Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille

Les feuilles

Qu'on foule

Un train

Qui roule

La vie

S'écoule

 

Apollinaire, Alcools

TOUJOURS LA GUERRE

Nous allons célébrer dans quelques jours, l’armistice qui mit fin à la terrible guerre de 14 – 18. Celle qui devait être la der des der et fit des ravages sans précédent : 27% des Français de 20 à 27 ans ont été tués (plus d’un sur quatre).

Hélas, les conflits continuèrent, 39 – 45 fut le conflit militaire le plus meurtrier de l'histoire. Plus de 80 millions de personnes ont été tuées, ce qui représentait plus de 2,5 % de la population mondiale à l'époque. Et cela continue….

La guerre ensanglante toutes les époques, toutes les contrées. Le poème d’Olivier Magny (1529 –1561) est d’une brûlante actualité.

Gérard

Gordes (1), que ferons-nous ? Aurons-nous point la paix ? 

Aurons-nous point la paix quelquefois sur la terre ? 

Sur la terre aurons-nous si longuement la guerre, 

La guerre qui au peuple est un si pesant faix ?

  

Je ne vois que soudards, que chevaux et harnois, 

Je n'ois que deviser d'entreprendre et conquerre, 

Je n'ois plus que clairons, que tumulte et tonnerre 

Et rien que rage et sang je n'entends et ne vois.

  

Les princes aujourd'hui se jouent de nos vies, 

Et quand elles nous sont après les biens ravies 

Ils n'ont pouvoir ni soin de nous les retourner.

  

Malheureux sommes-nous de vivre en un tel âge, 

Qui nous laissons ainsi de maux environner, 

La coulpe* vient d'autrui, mais nôtre est le dommage      * faute

 

 (1) Le baron de Gordes était Lieutenant Général du Dauphiné, pendant les Guerres de Religion

 

Temps d’horreurs, de plongée dans la barbarie. Que subsiste-t-il quand les projets de paix patiemment cousus au fil des rencontres se déchirent comme une pièce de tissu élimé ? Que reste-t-il de l’humain quand les villes brûlent, quand les innocents sont assassinés et quand le pire peut advenir ?

Le poème d’Aragon « Un jour, un jour » chanté par Jean Ferrat, écrit après l’assassinat de Federico García Lorca poète espagnol. exécuté par les milices franquistes en 1936.

Gérard

UN JOUR, UN JOUR

Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au dessus de ce corps et contre ses bourreaux
A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu
Emplissant tout à coup l'univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais je voyais l'avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porté sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Quoi toujours ce serait la guerre la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l'enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d'idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Louis Aragon

Etes-vous dans le vent ?

Cet homme avait eu vent de l’affaire et s’est précipité plus vite que le vent dans les arcanes administratives et juridiques pour acheter à bon prix le domaine maritime afin d’y bâtir des éoliennes. Nul contretemps dans la réalisation de son projet, il avait le vent en poupe et comptait déjà tout le prix qui en résulterait grâce à son contrat en béton avec EDF. Contre vents et marées, il se croyait à l’abri des bourrasques, des tempêtes, des ouragans.

Cependant, les riverains étaient vent debout contre les éoliennes. Chic ! Se dit l’exploitant voilà du vent à bon compte ! Ils peuvent venir, ils vont se battre contre des moulins à vent. Mais les opposants tempêtèrent, fulminèrent, explosèrent tant et si bien qu’un cyclone d’une violence inouïe se déclencha, se rua sur les palmes et les brisa comme un jeu de cartes qui s’écroule, les mâts se courbèrent puis se couchèrent. Ruines et désolation furent le présent de cet individu, qui avait semé le vent et récolté la tempête.

N’ayant plus de chez lui, il rentra en lui-même. Il commença à réfléchir sur son sort. Pourquoi cherchait-il à gagner des mille et des cents ? A quoi bon la richesse si l’on est la risée de tout le monde et surtout l’objet de haine de ses anciens amis ? Lui, qui avait cru trouver le bonheur, recueillait camouflets, mépris, disgrâce.

Avec les indemnités de l’assurance, il ne reconstruisit pas les éoliennes, autant en emporte le vent, pensa-t-il. Il offrit à ses compatriotes des logements sociaux, des aires de jeu pour les enfants et fit construire des pistes cyclables.

Alors le vent tourna, telle la brise qui enveloppa Élie, tous les habitants de cette cité angélique connurent un souffle réconfortant, rassérénant, vivifiant qui emporte le corps et tonifie l’âme, ce fut un soupir, une inspiration, une haleine, ne cherchez pas, vous y êtes, ce fut un MURMURE.

 

Gérard

AVOIR ET ÊTRE

La rentrée scolaire est faite. Pour de nombreux écoliers, collégiens et même lycéens la conjugaison des verbes est un véritable pensum. Traditionnellement, on commence par être et avoir. Ces verbes ne s’accordent pas parfaitement, leur passé est composé et leur futur imparfait.

Savourons les paroles de la chanson d’Yves Duteil. Puisse-t-il donner un peu d’avoir à notre Être.

Gérard 15 / 9 /2

Yves DUTEIL

Loin des vieux livres de grammaire,

Écoutez comment un beau soir,

Ma mère m'enseigna les mystères

Du verbe être et du verbe avoir.

 

Parmi mes meilleurs auxiliaires,

Il est deux verbes originaux.

Avoir et Être étaient deux frères

Que j'ai connus dès le berceau.

 

Bien qu'opposés de caractère,

On pouvait les croire jumeaux,

Tant leur histoire est singulière.

Mais ces deux frères étaient rivaux.

 

Ce qu'Avoir aurait voulu être

Être voulait toujours l'avoir.

À ne vouloir ni dieu ni maître,

Le verbe Être s'est fait avoir.

 

Son frère Avoir était en banque

Et faisait un grand numéro,

Alors qu'Être, toujours en manque

Souffrait beaucoup dans son ego.

 

Pendant qu'Être apprenait à lire

Et faisait ses humanités,

De son côté sans rien lui dire

Avoir apprenait à compter.

 

Et il amassait des fortunes

En avoirs, en liquidités,

Pendant qu'Être, un peu dans la lune

S'était laissé déposséder.

Avoir était ostentatoire

Lorsqu'il se montrait généreux,

Être en revanche, et c'est notoire,

Est bien souvent présomptueux.

 

Avoir voyage en classe Affaires.

Il met tous ses titres à l'abri.

Alors qu'Être est plus débonnaire,

Il ne gardera rien pour lui.

 

Sa richesse est tout intérieure,

Ce sont les choses de l'esprit..

Le verbe Être est tout en pudeur

Et sa noblesse est à ce prix.

 

Un jour à force de chimères

Pour parvenir à un accord,

Entre verbes ça peut se faire,

Ils conjuguèrent leurs efforts.

 

Et pour ne pas perdre la face

Au milieu des mots rassemblés,

Ils se sont répartis les tâches

Pour enfin se réconcilier.

 

Le verbe Avoir a besoin d'Être

Parce qu'être, c'est exister.

Le verbe Être a besoin d'avoirs

Pour enrichir ses bons côtés.

 

Et de palabres interminables

En arguties alambiquées,

Nos deux frères inséparables

Ont pu être et avoir été.

 

LES AFFRES DE LA RENTRÉE

En cette période, il n’est question que de rentrée. En septembre, nous éprouvons le vertige de la page blanche comme si les soucis d’hier s’étaient envolés ; nous nous sentons tout neufs, très printaniers, presque primesautiers ; nous redevenons l’enfant que nous étions, pleins d’enthousiasme, prêts à décrocher la lune.

Alors, pour éviter le stress et pouvoir se maintenir frais et dispos, nous prenons courageusement des résolutions en affichant la volonté de les tenir : dormir au moins 7 heures par nuit, faire un bon quart d’heure de méditation ou de yoga chaque matin, pratiquer régulièrement un sport pour surveiller sa ligne, prendre plus souvent le vélo que la voiture, s’investir dans une association à caractère social, se préserver des moments pour s’enrichir culturellement, souscrire un abonnement à une revue scientifique et s’efforcer de la lire de a à z, se documenter sur l’intelligence artificielle, aller au moins une fois par semaine au cinéma, au théâtre, visiter des musées, s’approvisionner dans les boutiques bios servant des produits locaux, confectionner de nouvelles recettes, se garder le mercredi pour accompagner les enfants dans leurs activités extra-scolaires, se donner du temps le week-end pour jouer avec eux, téléphoner régulièrement à ses vieux parents et aux connaissances esseulées, et, enfin, apprendre par cœur la fable de La Fontaine « La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf »

Gérard

01/ 09/ 23

 

Pour cet été, je vous livre un poème de Jacques PREVERT.

Nous nous retrouverons en septembre Gérard

Soyez polis

Jacques Prévert

Il faut aussi être très poli avec la terre

Et avec le soleil

Il faut les remercier le matin en se réveillant

Il faut les remercier

Pour la chaleur

Pour les arbres

Pour les fruits

Pour tout ce qui est bon à manger

Pour tout ce qui est beau à regarder

A toucher

Il faut les remercier

Il ne faut pas les embêter… les critiquer

Ils savent ce qu’ils ont à faire

Le soleil et la terre

Alors il faut les laisser faire

Ou bien ils sont capables de se fâcher

Et puis après

On est changé

En courge

En melon d’eau

Ou en pierre à briquet

Et on est bien avancé…

Le soleil est amoureux de la terre

La terre est amoureuse du soleil

Ça les regarde

C’est leur affaire

Et quand il y a des éclipses

Il n’est pas prudent ni discret de les regarder

Au travers de sales petits morceaux de verre fumé

Ils se disputent

C’est des histoires personnelles

Mieux vaut ne pas s’en mêler

Parce que

Si on s’en mêle on risque d’être changé

En pomme de terre gelée

Ou en fer à friser

Le soleil aime la terre

La terre aime le soleil

C’est comme ça

Le reste ne nous regarde pas

La terre aime le soleil

Et elle tourne

Pour se faire admirer

Et le soleil la trouve belle

Et il brille sur elle

Et quand il est fatigué

Il va se coucher

 

Et la lune se lève

La lune c’est l’ancienne amoureuse du soleil

Mais elle a été jalouse

Et elle a été punie

Elle est devenue toute froide

Et elle sort seulement la nuit

Il faut aussi être très poli avec la lune

Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou

Et elle peut aussi

Si elle veut

Vous changer en bonhomme de neige

En réverbère

Ou en bougie

En somme pour résumer

Deux points ouvrez les guillemets :

«Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors il y a des guerres… des épidémies des tremblements de terre des paquets de mer des coups de fusil…

Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous dévorer les pieds pendant qu’on dort la nuit. »

 

Dieu a délivré un contrat de confiance.

Peut-être, vous en souvient-il, autrefois, au cours des vêpres (?), les fidèles reprenaient en chœur une invocation latine que l’on pourrait traduire par «Cœur Sacré de Dieu, j’ai confiance en vous ». D’où provient cette assurance ? Les archéologues ont découvert, il y a peu de temps, enfouie sous le Mont Sinaï, une pierre gravée. Elle fut donnée par Dieu à Moïse qui dans sa précipitation à redescendre pour montrer les tables de loi aux Hébreux, l’a tout bêtement oubliée. Nous connaissons les dix commandements, mais à côté, Dieu, en tant que créateur bénévole, s’était engagé un peu plus et il avait proposé à Moïse un « contrat de confiance ».

Que contient ce fameux contrat ?

-Garanties « Pièces et main d’œuvre »

« S’il est constaté une malformation, un dysfonctionnement, un vice caché, Dieu s’engage à refaire l’humain. Cette garantie s’applique indépendamment de la durée de vie de l’espèce humaine. Cette re-création s’inspirera du modèle initial et bénéficiera de l’avancement des dernières techniques et permettra de corriger certaines imperfections ou maladresses constatées sur la première version dues à un excès de précipitation divine. Le vieux modèle qui ne sera pas repris, éteint toute obligation de la part du créateur. La nouvelle version, une fois tous les anciens articles devenus inutiles et tombés en désuétude, prendra la place de la première génération des êtres humains.»

Attention, il faut lire les lignes en bas en petits caractères : « N’entre ni dans l’objet ni dans la nature du contrat, l’assurance des dommages ou responsabilités ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé et connu de lui, toute mauvaise utilisation du produit, par exemple, et non exclusivement, la manipulation d’atomes entraînant des mutations explosives, la détérioration volontaire ou accidentelle de l’environnement".

- Informations sur le produit

« A propos des questions fondamentales : « Qui sommes-nous, Où allons-nous ? Quelle est notre destinée ?» Dieu s’engage à répondre à tout heure du jour et de la nuit. Pour éviter les délais trop longs de connexion : « Tapez 1…, tapez 2... » Dieu inspire directement des poètes, des penseurs philosophes, ou encore des prophètes. Pour décrypter leurs enseignements, chacun doit se munir d’un dictionnaire biblique et d’une âme pure.»

Indice de réparabilité

« Chaque être humain émet une lumière dont la mesure du rayonnement indique l’état d’usure. En cas de dysfonctionnement même léger, un bip alerte la conscience. Le mode d’emploi joint au produit indique la marche à suivre pour remettre en état l’être humain, en fonction du degré d’usure.»

- Conseils sur l’utilisation du produit

« Deux catégories coexistent :

Conseil individuel,

La prière permet de recevoir des conseils personnalisés. Elle peut être adressée indifféremment à l’une des trois personnes trinitaires ou transiter par la Communion des Saints qui, en principe, transmet. Pour que la prière soit examinée elle doit accompagnée d’un CV (Cœur Vrai). Il est précisé que prière examinée ne signifie pas prière exaucée. Par suite d’encombrements prévisibles, les délais d’attente peuvent dépasser plusieurs années.

Conseil sur place

Par suite de mauvaises utilisations du produit et les risques de détérioration encourus, Dieu lui-même s’est déplacé par l’intermédiaire de son Fils. Il a fait une démonstration éclatante aux humains, devenant lui même simple article, leur montrant la bonne utilisation du produit.»

Dénonciation du contrat

« Dieu s’engage à ne pas dénoncer le contrat, engagement consigné auprès de Noé. Par contre, à chaque instant, l’humain, individuellement ou collectivement, peut résilier totalement ou en partie ce contrat de confiance. Dans ce cas, toute protection cesse ipso facto.»

Certains esprits bien intentionnés ont proposé un avenant au contrat, une sorte d’assurance tous risques : « Dieu interviendra d’une manière directe avec ses légions d’anges quand l’humain dans son ensemble sera menacé de disparition.» Dieu a sèchement refusé précisant que c’est un contrat, qu’il faisait parfaitement confiance à l’humain et qu’il attendait la réciprocité manifestée par la répétition à satiété : «Cœur Sacré de Dieu, j’ai confiance en vous.»

Gérard

1 juin

 

LES NOUVEAUX MOTS DE LA RETRAITE

Environ 150 mots sont entrés dans le dictionnaire Le Robert édition 2024.

A l’occasion de l’épisode des retraites (qui n’est pas terminé) on peut évaluer la récolte de nouveaux mots qui ont fait florès dans les rencontres amicales ou les dîners de famille.

D’abord le 49,3. Il est devenu tellement banal qu’on en oublie qu’il est un article de la constitution. C’est un mot redoutable. Pour un enfant turbulent, c’est synonyme de gros yeux ou de piquet : « si tu n’es pas sage, je sors mon 49,3 ». En classe, le professeur qui menace les élèves indisciplinés de son 49,3, obtient immédiatement le silence.

Ensuite, « conseil constitutionnel » est présent dans la conversation. C’est une sorte d’arbitre. Il manie le carton jaune ou le carton rouge. Un peu à la manière des joueurs d’un match de foot se tournant vers l’arbitre pour qu’il sanctionne une faute de l’adversaire, l’opposition brandit une loi avec un argumentaire pour que le conseil constitutionnel réagisse. A la différence de l’arbitrage sportif, nul ne peut critiquer la décisions des neufs sages et il n’y a pas de vidéo.

Le RIP Référendum d’Initiative partagé. Avant, les débats sur les retraites, personne ne savait qu’il existait. C’est le principe « on a perdu une bataille, mais pas la guerre » Là encore la décision appartient aux membres du conseil constitutionnel de lancer une procédure pour collecter quelques 4,8 millions de signatures dans un délai de 9 mois. Après cette période de gestation, le nouveau-né peut apparaître, mais il est chétif et fragile et n’a pas le pouvoir de tout chambouler. Le RIP est le dernier espoir vers lequel on se tourne quand on a épuisé tous les recours.

Grâce à la discutions de la réforme des retraites, le public connaît mieux les institutions de la république et acquiert ainsi une maturité citoyenne. Mais que se passe-t-il ? On n’entend plus rien sinon un concerto en sol majeur : les casserolades deviennent assourdissantes.

Gérard

12 mai

AU RESTAURANT

Depuis quelques années, un virus envahit nos vies, notre quotidien, nos amis, nos familles, nos cercles relationnels : nous sommes accablés par les « sans » : sans-papiers, sans emploi, sans domicile fixe, sans ressources, sans-grade, sans-dents.

Le pire se lit dans les slogans publicitaires à propos des aliments, jugez plutôt :  « sans gluten, sans lactose, sans glucides, sans alcool, sans céréales, sans additif, sans huile de palme, sans FODMAPs, sans sucre, sans nitrite à base de plantes et d’extrait de levure, sans lectines, sans sel, sans gras, sans conservateur »

Entre amis, nous sommes allés dans un restaurant végétarien, l’estomac dans les talons, et nous comptions bien tailler une bavette et, éventuellement, discuter le bout de gras. Nous avons fait chou blanc, nous nous sommes fait rouler dans la farine, loin d’être aux petits oignons, nous n’avons pu mettre du beurre dans les épinards et arrivés très vite à la fin des haricots nous n’avons même pas gardé une poire pour la soif. Pas étonnant, si en sortant, nous n’étions pas dans notre assiette avec l’amère impression d’avoir été les dindons de la farce.

L’ensemble nous est apparu insipide, inodore et sans saveur ; en définitive, seule l’addition fut salée.

Gérard

De la Toussaint à Pâques

Quand on évoque un « vrai temps de Toussaint », on imagine pluie, vent, ciel bas. Le moral est en berne, le souvenir douloureux des trépassés est en phase avec la météo, tous les arbres côtoyant les cimetières, semblent des saules pleureurs.

Notre monde semble se calquer sur la végétation : les bourrasques du vent de la guerre déferlent sur nos vies, renversant les aspirations à la liberté en Ukraine, en Iran et ailleurs. Les Poutine et les Xi Jinping, tels des cumulonimbus menaçants, règnent en maîtres. Les migrants s’embarquent vers l’inconnu affrontant mille écueils. Oui, nous pouvons être pessimistes lorsque le réchauffement climatique est en train de martyriser la planète.

Et pourtant…

Sous le règne de César Auguste, un enfant est né, totalement ignoré dans l’épaisseur d’un bourg parfaitement inconnu.

En janvier, sous la neige et le givre, la végétation semble morte, la terre se terre dans son giron sous le regard des étoiles que la morsure du froid rend encore plus brillantes et lointaines.

Mais on remarque imperceptiblement que les jours ne baissent plus, mieux, la clarté grignote peu à peu la nuit.

Après trente ans de vie cachée, Jésus reçut le baptême de Jean. Puis, après l’arrestation du baptiseur, Jésus partit pour la Galilée, redonnant confiance aux désespérés, guérissant les blessés de la vie, défendant les exclus, valorisant les femmes dans un contexte de misogynie, blâmant, fustigeant et condamnant les prêtres du temple, hommes du sacré imposant à tous, le joug d’une loi présentée comme divine. Les riches d’argent, de pouvoir et les imbus d’eux-mêmes, en connivence avec les esprits mauvais, sentirent les premiers que cet homme était dangereux : n’allait-il pas jusqu’à bénir des enfants, guérir le serviteur d’un soldat romain et la fille d’une étrangère, demander de l’eau à une Samaritaine en lui révélant que Dieu n’habite pas dans le temple de Jérusalem mais dans le cœur de chacun, et, suprême affront, jusqu’à désacraliser le sabbat ?

Il dérangeait trop. Après l‘avoir mis à mort, les hommes l’avaient emmuré, caché, gardé. Ainsi, il retournerait définitivement à la terre, définitivement écarté, définitivement poussière ; son cas, définitivement réglé. Pour ses disciples qui avaient cru en lui et s’étaient enfuis lamentablement, c’était la froidure perpétuelle, la nuit éternelle, le ciel éteint à tout jamais, sans lueur, sans passé, sans espoir.

La pierre a été roulée, c’était une pierre d’une grande taille, précise l’évangéliste Marc. Il n’est plus là. La VIE a surgi là où personne ne l’attendait, où nul n’espérait. Le tombeau définitivement ouvert, éternellement ouvert sur l’inattendu, sur l’inouï, sur tous les possibles, rendant possible la quête de l’impossible.

Actuellement, il réside en Galilée donc chez nous. Il est présent dans notre quotidien, il vit notre condition de femme et d’homme, il partage nos peines, nos souffrances, nos attentes, nos rires, nos mains tendues, nos bras ouverts. Bien sûr, ni la faim ni la guerre n’ont disparu mais la tristesse n’est plus de mise : le mur de la mort a été pulvérisé, Jésus l’a traversé entraînant toute l’humanité avec lui.

Oui, à la Toussaint, les cimetières ensemencés d’immortelles, respirent la VIE.

Gérard

3 avril

EN QUÊTE DE SENS

Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Ces trois questions existentielles taraudent depuis toujours l’esprit des humains. Bien sûr, à la manière de Pierre Dac, nous pourrions répondre : « Je suis moi, je viens de chez moi et j’y retourne !» Mais plus sérieusement : la vie a-t-elle un sens, l’évolution de notre société n’est-elle pas « in-sensée », pourquoi la mort est-elle un contresens ? A force d’explorer tous les recoins de ces questions, nous finissons par tourner en rond, déboussolés, perdant ainsi, le peu de bon sens qui nous reste.

Nous sommes immergés dans le temps ; le temps qui s’écoule a-t-il un sens ? Certaines heures, plus sombres les unes que les autres, n’en finissent pas tels des omnibus cahotant égrenant le chapelet des stations et les mystères du quotidien blafard et ennuyeux. D’autres heures sont lumineuses «  à la bonne heure » dit-on, mais pareilles à un TGV, elles passent sans s’arrêter. Pendant ce temps, l’heure tourne et la dernière heure est vite arrivée avec sa minute de vérité indiquant la sortie, sans jamais avoir pris le temps de nous expliquer pourquoi sommes nous entrés dans la danse.

Faut-il chercher le sens dans l’histoire ? Hélas, penser que l’histoire a un sens, c’est juger, en dépit du bon sens, que le navire de l’humanité avance dans la bonne direction. Or, il n’y a pas de capitaine à bord, c’est Mammon le grand ordonnateur des manœuvres, le bateau fonce à toute vapeur vers les icebergs du réchauffement climatique et de la pollution, les premières classes logées dans leurs cabines de luxe empêchent les miséreux cantonnés dans l’inconfort et la disette de monter sur le pont du développement et les cales recèlent des bombes prêtes à exploser. Les prophètes, les poètes et les âmes pures se fiant aux étoiles, hurlent au casse-cou, implorent de ralentir et de changer de cap, mais personne ne les écoute ou, pire, on les bâillonne.

Peut-être, pour trouver le sens, faut-il allumer la bougie de l’espérance. Alors la réalité se transforme : des champs de bataille s’envolent des colombes, les blessés de la vie sont apaisés par le miel de la tendresse coulant de la ruche des regards des soignants, la mort même, quittant ses oripeaux de frayeur et revêtant ses ornements couleurs arc-en-ciel, montre l’arbre de Vie.

Chercher le sens, non pour le découvrir – qui peut se targuer de connaître le sens, sinon celui du ridicule - mais pour prouver que cette recherche a du sens. Donc, comme on le répète à satiété dans les saints lieux, l’important, c’est moins la quête de sens que d’avoir le sens de la quête.

Gérard

COMPTAGE DES MANIFESTANTS

Les manifestations contre la réforme des retraites battent leur plein, et ce n’est peut-être pas terminé. Chaque fois, nous sommes intrigués par un problème d’arithmétique. Comment compter les personnes qui défilent sans se tromper ? Chacun remarque l’écart entre les chiffres avancés par les syndicats et ceux donnés par la police ? Pourquoi cette différence pouvant aller parfois du simple au double ? Nous pensons avoir trouvé la solution : tout vient d’une anticipation grossière.

Le syndicaliste rempli de fougue et d’enthousiasme veut naturellement enrôler le plus de monde possible sous sa bannière ; s’adressant à un ami ou un camarade de travail, il lui dit : « Pour la manif, nous comptons sur toi » et... il l’intègre dans le comptage final.

A l‘inverse, le commandant chargé de la bonne tenue de la manifestation demande à ses subordonnées si les responsables de la sécurité désignés par les syndicats sont fiables, il lui est répondu : « Ne comptez pas sur eux »

Voici donc l’explication : certains comptent ceux qui restent chez eux, d’autres ne comptent pas ceux qui marchent.

Gérard

RETRAITE

Si vous avez des invités et que vous manquez de sujets de conversation, osez la retraite. La retraite, quel bel espace de dialogue et de joutes verbales ! Quel travail, quelle pénibilité pour essayer d’harmoniser les points de vues, que d’heures passées en discussion. Chacun a son point de vue, ils sont irréconciliables. Pour que les protagonistes se mettent d’accord, il faudra sans doute, deux ans de plus...

Le gouvernement veut accélérer l’examen du projet de loi en évitant toutefois d’appuyer sur le champignon du 49,3 qui peut provoquer des dérapages incontrôlés, mais insidieusement, et paradoxalement, il envisage d’aller plus vite encore, à la vitesse de 47,1 ! En effet, si l’exécutif utilise l’article 47,1 de la constitution, les débats ne dureront que 50 jours. L’opposition parlementaire, vent debout sur son 31, tentera alors de freiner des quatre fers et exigera que le texte soit... retraité.

Les cortèges revendicatifs battant le tambour et le rappel, espèrent que l’assemblée nationale mettra le projet de loi...en retrait ; quant au pouvoir ministériel, il compte que les manifestants après avoir battu le pavé, battront... en retraite.

Gérard

JANVIER, LE MOIS DES VIEUX

En ce début d’année, je vous présente mes meilleurs vieux. Bien sûr, je suis un peu en retard mais la froidure de la saison interdit de sortir les vieux par n’importe quel temps, de plus, il est nécessaire qu’ils portent écharpe, bonnet et gants, et qu’ils soient vaccinés contre le COVID et la grippe. En fait, ces précautions sont inutiles car mes vieux sortent de l’ordinaire.

Vous le voyez, ils ont fière allure, ces vieux de plus en plus jeunes, prêts à partir en voyage, faisant la java jusqu’à point d’heure sans se soucier de la permission de minuit, allant jusqu’à conter fleurette aux belles en quarantaine….

Et que dire des vieux de la vieille ? Ils ont bourlingué, roulé leur bosse partout, remplis d’expérience et de sagesse, ils avancent avec confiance dans l’avenir et dévore le présent et sont très utiles pour remonter le passé. Demandez leur s’ils se souviennent d’avoir vu un mois de décembre si doux, ils vous répondront que de mémoire de plus vieux du pays ils n’ont jamais vu un décembre pareil depuis le début de leur carrière de plus vieux du pays.

L’autre jour, j’ai rencontré un ami et lui ai demandé : « Comment vas-tu ? » Il m’a répondu : « Comme les vieux ». Alors je lui ai dit : « Je suis content car tu vas vraiment très bien ».

Gérard

 
 
 
 

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Date de dernière mise à jour : 07/06/2024